Le 26 novembre 2020, les étudiants du Master SOCDEV ont effectué une visite à la direction nationale des archives du Mali, dans le cadre du séminaire « archives militante », animé par Ophélie Rillon. Le contexte de crise sanitaire a fait qu’Ophélie n’a pu faire la visite comme les années précédentes avec ses étudiants. En accord avec la direction du LMI MaCoTer, Fatoumata Coulibaly et Gilles Holder, tous deux enseignants dans le Master SOCDEV, ont accompagné la visite. Mamadou Fall, professeur invité de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), sollicité dans le cadre du programme de renforcement des capacités du Master SOCDEV, était présent lors de cette visite.

A 13h00, tous les étudiants du Master 1, étaient sur place et attendaient Madame Coulibaly et Mr. Holder, qui devaient les conduire à qui de droit. A 13h30, avec nos enseignants, nous faisons notre entrée dans la grande salle d’exposition.

Nous nous sommes tous mis, enseignants comme étudiants, à scruter scrupuleusement les anciennes photographies en noir et blanc, pour reprendre les mots de Oumar Dicko, (étudiant du Master SOCDEV). Kalilou Ouatara (étudiant du Master SOCDEV) un peu surpris s’exclame : « J’ai vu la photo d’un chef Touareg du nom de Cheboun qui a résisté contre les colons français, ». Soudain apparaissent deux hommes sexagénaires qui se saluent et nous voyons nos enseignants se diriger vers eux. Après les présentations, nous comprenons que l’homme en costume est Mr. Timothée Saye, le Directeur adjoint des Archives Nationales du Mali, qui nous conduit dans la salle de réunion où nous prenons place. Au même moment où, les étudiants occupent l’espace de la salle de réunion, leurs enseignants discutent avec Mr. Timothée Saye, dans son bureau pour élaborer un programme de visite.

Quelques minutes plus tard, nos enseignants avec l’homme en costume, Mr. Timothée Saye, Directeur adjoint des Archives Nationales du Mali, nous rejoignent dans la salle de réunion. Il prend la parole, pour faire un exposé d’une vingtaine de minutes sur l’histoire des Archives Nationales du Mali (ANM). Nous revenons ici, sur les grandes lignes de son exposé.

Comment le service des archives a été créé ? Comment, il a survécu aux différents régimes ?

En 1913, le Gouverneur William Ponty décide d’instaurer une politique d’organisation des archives dans les colonies. Quarante ans plus tard, en 1953, un arrêté réorganise pour la première fois le service des archives au niveau central du gouvernement général de l’AOF. C’est ainsi que, le service des Archives du Mali fut créé en 1960. En 1984, le service des Archives a été plus ou moins centralisé avec pour objectif de collecter, conserver et communiquer sur les archives.

En 2002, un autre aménagement voit le jour avec l’adoption de la loi relative aux Archives du Mali, la création de la Direction Nationale des Archives du Mali (DNAM), qui a permis de redéfinir les éléments de la Politique Nationale des Archives du Mali (PNAM). La même année, le bâtiment de la DNAM a été construit à Hamdallaye ACI 2000 où sont aujourd’hui conservées les archives nationales du Mali.

Après la présentation de Mr. Saye, laisse place aux questions des étudiants.

Question n°1 : On a entendu que le service des Archives était auparavant sur la « Colline du Pouvoir » à Koulouba. Pourquoi les archives sont-elles proches du pouvoir ?

Réponse : il faut savoir qu’après la construction du Palais de Koulouba (1899-1906), un bâtiment annexe fut réservé aux Archives. Cette proximité entre le service des archives et le pouvoir s’explique par le souci de confidentialité d’une part, et la nécessité de protéger des fonds archivistiques d’autre part. D’ailleurs l’origine étymologique du mot est assez illustrative : « archeom_archum » qui signifie « Maison de Commandement » ajoute Mr. Saye.

Question n°2 : Que pensez-vous de l’incendie survenu aux Archives de Kayes ? Des mesures de conservation sont-elles prises pour prévenir ce type d’accidents ?

Réponse : C’est triste, mais l’incendie a provoqué beaucoup de dégâts. Malheureusement, ces fonds n’ont ni été numérisés, ni été copiés.

Question n°3 : Les différents coups d’État qu’a connu le Mali ont-ils épargné les Archives ?

Réponse : Non, je peux notamment vous citer le coup d’État de mars 2012, qui a causé d’importants dégâts aux Archives de Koulouba. Je pense qu’il faut plus de sensibilisation sur l’importance des Archives pour attirer l’attention non seulement des décideurs politiques, mais aussi des citoyens.

Question n°4 : Avez-vous d’autres sources de financement que l’État ?

Réponse : l’État reste jusqu’à ce jour le seul partenaire financier.  Il arrive souvent qu’on ait des financements avec des partenaires étrangers, dans le cadre de la numérisation de ces fonds. Mais, la plupart du temps, les conditions de collaboration proposées ne nous arrangent pas. A titre d’exemple, quand ils refusent d’impliquer les personnels locaux de la DNAM dans le processus de numérisation. Nous leur rappelons que, les archives nationales du Mali relève de la souveraineté de l’État, et que les personnels locaux de la DNAM sont des agents assermentés. A cela s’ajoute, la confidentialité de certaines archives nationales. Par contre, s’il y a des partenaires qui veulent nous aider sans contrepartie nous sommes bien entendu d’accord.

Visite des locaux des Archives Nationales du Mali (ANM)

Pour ne pas prendre trop de temps face aux nombreuses questions des étudiants, le directeur adjoint, propose de commencer la visite des lieux tout en continuant à lui poser des questions. Il fait une présentation de l’organisation des archives nationales du Mali. Celles-ci sont classées en deux fonds.

  • Le premier fond, appelé « fond ancien », regroupe les archives de 1855 à 1920 ;
  • Le deuxième fond, qui est le « fond récent », regroupe les archives produites entre 1920-1960.

La première étape de la visite a été dans ce lieu appelé « magasin », où sont entreposées les archives. Plusieurs dispositifs permettent de préserver les documents : détecteurs de fumée, extincteur, climatiseurs pour maintenir la température fraiche, et lumière (artificielle et naturelle).

Nous avons été surpris par le fait que, le plus ancien article du journal L’Essor conservé chez eux, remonte à 1949[1], ce que nous ignorons complètement.

La seconde étape, a été la salle informatique et audiovisuel, où travaille une équipe composée d’hommes et de femmes. Cette équipe est chargée de la numérisation des archives. Ils peuvent numériser entre 500 et 1000 pages par jour. Selon le responsable de cette salle, les scanneurs sont utilisés en fonction des feuilles qui doivent être numérisées, car certaines archives sont plus fragiles que d’autres.

La troisième étape, a été la salle de tri et de classement des archives, où travaille une équipe chargée d’identifier les documents qui seront archivés. Ensuite, les documents sélectionnés sont classés dans du papier cranté pour les conserver et les sauvegarder des intempéries, de la poussière et d’autres facteurs dégradants.

Notre visite s’achève dans la salle de recherche et de lecture. L’équipe trouvée sur place, nous explique les conditions d’accès à cette salle, qui sont de deux ordres :

  1. Pour les maliens, une pièce d’identité nationale suffit pour accéder à la salle ;
  2. Les non-maliens, doivent être munis d’une autorisation de recherche délivrée par le Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) comme il est indiqué dans l’article 7 de l’arrêt N°2020-2399/PM-RM du 01 Juillet 2020 fixant les modalités de consultation des documents d’archives.

Il a été rappelé que, certaines archives ne sont pas ouvertes au public, telles que, les archives personnelles, sur le foncier, judiciaire, etc. Elles ne représentent que 1% des archives nationales du Mali.

Les frais d’inscription pour les étudiants, est de 250 F.CFA par mois et 500F.CFA pour les chercheurs. Le coût des photocopies est de 50F.CFA par page pour les étudiants et 100F.CFA pour les chercheurs.

Enfin, Mr. Mamadou Fall, nous fait comprendre que, les archives ne sont pas les seuls lieux où nous pouvons faire de la recherche. Il nous exhorte à exploiter d’autres sources dans nos travaux de mémoire. Nous finirons par cette belle phrase de Mr. Gilles Holder, « les archives sont la mémoire de l’Etat ».

Tous, enseignants et étudiants sont ravis de cette visite. Pour les étudiants, elle conforte les explications fournies par Ophélie Rillon dans son séminaire sur les « archives militantes ».

Bibliographie :

CHARPY Jacques, « Les archivistes de l’AOF face à leur temps », Outre-mers, tome 97, n°368-369, 2e semestre 2010. Cinquante ans d’indépendances africaines. pp. 293-309 : www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2010_num_97_368_4507

CONRAD David C., « Archival Sources in Mali », History in Africa, Vol. 3, African Studies Association, 1976, pp. 175-180.

HARMON Stephen, A., « The Malian National Archives at Kuluba : Access and Applicability », History in Africa, African Studies Association, Vol. 19, 1992, p. 441-444.

JANSEN Jan, « Les Archives nationales du Mali en transition », Afrique & Histoire n° 5, 2006, pp. 185-188 : https://www.cairn.info/revue-afrique-et-histoire-2006-1-page-185.htm


[1] Le journal L’Essor a été créé en 1947 par l’Union Soudanaise – Rassemblement démocratique africain (US-RDA).

Article rédigé par : Badia A. Wangara (rapporteur),Oumar Dicko,Adiza Cherif Haidara,Kalilou Outara